Christmas

Les fêtes de Noël, pour pas mal de monde, c’est une période un peu délicate. On ne s’attardera pas sur les sapins en forme de godemichés, les débats autour des crèches et les appropriations trafiquées de symboliques qui devraient rester des symboliques : d’un simple point de vue physiologique, quand au creux de l’hiver l’absence de luminosité et la fatigue accumulée depuis la fin de l’été se superposent, sachant qu’il faudra parfois traverser (dans de mauvaises et coûteuses conditions) le pays pour se goinfrer de gras et de sucre en compagnie de personnes qui souffrent tout autant que nous des injonctions festives, autant dire que le cocktail (molotov) est détonnant. Toute cette énergie, tout ce temps, tout ce fric, pour s’offrir des bidules en plastique et se gaver, où est la transcendance ? En passant, pensée amicale pour les solitaires, qui à Noël se sentent encore plus seuls. Je suppose que l’été aussi, ils prennent cher.

En décembre dernier, Olivier Triboulois m’a fait passer son EP instrumental "Intérieurs", qu’un soir j’ai tranquillement écouté au casque en sirotant des bières : je me suis surpris à taper du pied et chanter sur l’enjoué "Christmas" alors sans réfléchir je lui ai proposé de poser ma voix dessus, j’ai passé une heure à retravailler un vieux texte dont le sens m’échappe mais correspondait à mon mood de l’époque - «La pire version de moi-même / Occupe la tour de contrôle / Enchaîne les clash et les crashs».

Il faut dire que l’année 2023 fut une litanie de déboires, et 2024 en est pour l’instant la digne héritière : depuis une semaine, je n’ai pas d’eau chaude et reste sans nouvelles de mon bailleur. Je sais, ce n’est pas bien grave et mon relativiste de fils cadet, qui approche les 14 ans, me raisonnerait ainsi : «ça fait mal ?» et moi de répondre «bah non» et lui de conclure «alors ce n’est rien» et moi d’acquiescer. La douleur physique reste le maître étalon en matière de souffrance : depuis octobre, en moins de quatre mois, mon ordinateur crashe, l’ordinateur de mon fils cadet rend l’âme, mon lave-linge soupire, mon chauffe-eau grille, mon aspirateur expire, mes deux paires de bottines m’abandonnent, ma dent casse, mes WC fuient, mes acouphènes augmentent, pas grave, je n’ai mal nulle part ailleurs qu’au portefeuille et au moral.

Quand aux clashs, j’en suis le premier responsable. J’ai tenté de m’opposer au réel, de dire non, de dire stop, de dire je ne suis pas d’accord, ça n’a servi à rien, les autres sont des murs, inutile de foncer dedans quand on a le cœur en mousse.

Et donc j’ai chanté et Olivier m’a envoyé ses pistes instrumentales, que j’ai gentiment remixées, pour faire de "Christmas" une bonus track tout à fait acceptable et clôturer en beauté un "Ubac" qu’avec du recul j’estime plus que durant sa conception, tant je ne savais pas où j’allais. Puisse l’année qui commence se montrer plus clémente : moi, je reste dans la course.