Foutus autres

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Foutus autres

Depuis la crise sanitaire, j’ai du mal à refaire socialement surface, tant j’ai pris goût à ma propre compagnie, au point de savourer les soirées solitaires passées à arpenter mon salon parisien, une bière à la main (et trente autres au frais, qui m’attendent sagement malgré une espérance de vie plus courte que celle d’un gastrotriche), tout en débattant avec moi-même de la meilleure façon d’être un autre moi meilleur que moi, ou écrire des chroniques musicales, ou trafiquer des chansons dont la grande majorité finissent à la poubelle, ou me lancer dans une séance de bricolage vouée à l’échec, ou acheter des conneries sur Internet et quelques jours plus tard me lamenter quand on me livre un bidule inutile ou cher et inconfortable (conseil d’ami : toujours essayer un canapé avant de l’acquérir).

Bon, je serais hypocrite de laisser entendre que la fameuse crise sanitaire est responsable de ma paresse sociale : depuis l’enfance, les autres, c’est pas vraiment mon truc.

Je les aime bien, mais surtout dans ma tête, parce qu’en réalité, ils me fatiguent vite, je m’ennuie, je m’en veux de m’ennuyer, et de les ennuyer, alors je bois, quand je bois je me marre et je trouve tout génial, même les autres, et moi encore plus.

Les autres, c’est une toile d’araignée de contraintes et de contretemps, ils pensent trop lentement, ils aiment de travers, ils se mouvent maladroitement, ils ressentent trop fort l’inessentiel et pas assez l’intrinsèque, ils manquent de nuances, ils paniquent pour un rien, ils vous offrent leurs cœurs quand bien même vous n’en voulez pas et ensuite ils vous réclament une compensation, bref, les autres et moi, ça a toujours été compliqué.

Quand j’essaie de faire au mieux, je me sens comme un politicien en campagne électorale, je souris, je serre des mains, je claques des bises, je m’esclaffe quand il faut s’esclaffer, je dis « oh moi aussi » à tout bout de champ, je crois qu’à force d’amabilités je deviendrais un autre honorable, en me comportant comme les autres, mais je me sens si faux, si faux que j’en ai la nausée, et que je finis par me détester de tout compliquer parce que dans ma tête c’est le bordel et que je suis incapable de mener une conversation normale.

Il faut toujours que ça vire au tout-à-l’égout psychologique, ce qui fait fuir les autres, et à la fin, je ne sais pas si je suis heureux ou triste d’être seul.

Oui, j’exagère. On exagère toujours quand on un télescope géant braqué sur le cœur.

"Foutus autres" est née de ce constat : j’aime les autres, mais c’est difficile, et ils me le rendent bien – ils griffent. Je crois que j'ai composé cette longue ballade au piano, il y a environ deux ans, en une heure ou deux, et comme idiotement j’avais en tête d’en faire une chanson à la Michel Legrand, un truc ample, en ternaire, avec des tonnes d’arrangements sirupeux, le genre de machin que l’on trouvait dans les films 70s de Claude Lelouch, je me suis acharné dans un registre qui n’est pas le mien, comme si je voulais me prouver que je pouvais écrire et jouer et chanter mieux que je n’en suis capable.

Des centaines d’heures plus tard, jusqu’au mixage final, j’étais hors sujet. J’avais prévu une longue introduction classieuse, mais elle brouillait les premiers couplets, qui eux-mêmes brouillaient le premier refrain, et tout était bancal. Chaque écoute m’ennuyait à mourir. Pas bon signe : j’ai viré l’introduction et je l’ai remplacée par la grille d’accords des couplets, piano rythmique et batterie, point barre, ça suffit, soupir de soulagement, j’avais retrouvé le fil perdu de ma pensée.

Une chanson d’un film de Claude Lelouch sans voix féminine était impensable, alors une fois encore je remercie ma chère Claire d’avoir apposé sa voix sur les refrains et le troisième couplet, sa douceur est un trésor. J’en profite pour adresser un clin d’œil à mon amie Albertine, qui m’a aidé à bâtir le texte, et a pris la peine d’écouter avec bienveillance les maquettes que je lui adressais au fil de l’eau.

En musique, le résultat final souvent se rapproche de la première ébauche, ce qui est déconcertant mais rassurant et oblige à littéralement effectuer un tour complet sur soi-même, avant de se réconcilier avec la clarté de l’intention initiale. Voyager autant tout ne quittant jamais son salon, quel luxe, non ?

NON

lyrics

Je m'éteins, je deviens sourd, je n'entends plus les vagues
Elles se brisent, une à une, dociles - sur la grève du temps
Tu marches devant moi, tu ne te retournes pas,
Tu prends des photos sur lesquelles je n'apparais jamais

La seule raison de vivre, c'est les autres
Mais ils souffrent et ils blessent et ils perdent le fil
La seule raison de vivre, c'est les autres
Mais ils griffent et s’entêtent et trafiquent leurs cœurs évanouis

Tu as vu cet orage, mille-feuiller le ciel?
D'horizons éternels, à l'arrière goût de fuel
Si je bois, tous les soirs, ce n'est pas pour oublier
Les nuits, les amants , ce que je dois aux vivants, et aux morts

La seule raison de vivre, c'est les autres
Mais ils souffrent et ils blessent et ils perdent le fil
La seule raison de vivre, c'est les autres
Mais ils griffent et s’entêtent et trafiquent leurs cœurs évanouis

Le Fort-du-Roule, au matin, je reviens sur mes pas
Et Cherbourg se réveille froissée
On s’est donnés, on a perdu, on aura essayé
D’exister lentement, autrement qu’en pointillés

La seule raison de vivre, c'est les autres
Mais ils souffrent et ils blessent et ils perdent le fil
La seule raison de vivre, c'est les autres
Mais ils griffent et s’entêtent et trafiquent leurs cœurs évanouis

La seule raison de vivre, c'est les autres

La seule raison de vivre, c'est les autres

credits

from Ubac, released January 19, 2024

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Depuis 1997, Centredumonde compose des chansons que personne n'écoute, et il ne s'arrêtera que le jour de sa mort!

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