Mec, monte à Paris, on fait ça chez moi.

Et David se pointe un vendredi en fin d’après-midi, c’est l’automne, rien dans le réfrigérateur hormis une palanquée de bières en canettes, j’avais sorti mon enregistreur numérique et un micro chant, les instrumentaux au chaud dans la boîte (évidemment ils n’étaient pas figés et j’ai passé quelques semaines à les ré-articuler autour des prises de voix, galère), il fait bon et on glande sur le balcon et au bout d’un moment on se dit qu’on pourrait boire des verres en ville, les chansons peuvent bien attendre, on descend vers la place Henri Krasucki, je me dis que Les Cascades, pour picoler, c’est pas mal, mais je nous perds et à bout de forces, après huit minutes de marche durant lesquelles je m’arrête trois fois pour pisser, on s’amarre à la terrasse d’un bar pourri où nous discuterons avec des gens pendant des plombes (un producteur de world-techno qui m’enverra un message le lendemain et un couple de geeks) et sur le chemin du retour je m’étale de tout mon long sur le trottoir et ensuite je passe deux heures à essayer d’ouvrir la porte de mon appartement, sans paniquer, parce que j’ai l’habitude, je me fais confiance, je parviens TOUJOURS à rentrer chez moi.

Sauf la fois où je me suis réveillé sur un banc en bord de Seine, ou sur un tas de poubelles à Pigalle, ou par terre dans un appartement inconnu, ou dans les toilettes d’un bar fermé, ou dans une flaque de pisse sur le trottoir, ou dans un corps nouveau qui n’était pas le mien jusqu’à ce que je me rende compte que j’étais toujours moi. Un matin, qui sait, je me réveillerai à Plouescat et alors je me baignerai dans l’eau glacée jusqu’à ce que mes neurones se ressoudent.

La journée du lendemain, je n’ai pas quitté le canapé, liant amitié sur Instagram avec tout un tas d’actrices de films pour adultes, tandis que David, ayant revêtu son bleu de travail, alternait séances d’écriture et prises de chant. Trente minutes sur le texte, trente minutes au micro, toute la journée, comme une machine, une machine humaine à la volonté de fer, très impressionnant.

Et puis toute cette douceur et toute cette patience. Je pensais qu’à un moment il allait me dire que mes instrumentaux étaient quand même pas terribles, je les ai composés en un seul jet, en mode tu bois tu ouvres ton esprit et tu laisses tes oreilles décider, le cul posé sur ton sens critique à géométrie variable. Mais non. L’escroquerie Centredumonde avait encore de beaux jours devant elle.

Le soir, j’ai cuisiné un rôti de porc et nous avons regardé un film de super-héros, en nous disant que les enfants auraient adoré. Shazam ! Les films de super-héros étaient nuls quand j’étais enfant, et puis ils sont devenus pas trop mal, et ensuite il y en a eu tellement que j’ai perdu le fil. J’ai parfois l’impression d’être né trop tard ou trop tôt, mais pas à la bonne époque, c’est sûr.

Plouescat, je ne sais même pas si j’y ai déjà mis les pieds. Ça ne me dit rien. Pourtant, la Bretagne, je l’ai écumée, autant qu’elle m’a rincé. La pochette, au départ, c’est une idée de David : une bagnole sur la dune la nuit à Plouescat, avec une tête de cheval sur le capot et des motifs hard-rock 80s. Une vraie tête de cheval, comme dans Godfather, ou un logo de tête de cheval ? Jamais su, mais c’était une bonne direction, et comme toujours mon ami GWL a fait des merveilles : qu’il en soit infiniment loué. Meilleure pochette du monde, je trouve. Et superbe cuite, évidemment.