«  Bien plus grand et sexy que Rocco Siffredi » pouvait-on lire à mon sujet, en février 2000, dans le 38ème numéro du magazine Magic, tandis qu’à Brest j’accomplissais (mollement) mon service militaire, dans les bureaux d’une association où je passais le plus clair de mon temps à jouer à Football Manager, parvenant avec Châteauroux à remporter la Ligue des Champions, ce qui n’est pas une mince affaire.

Vivant peu et n’ayant pas grand-chose d’autre à raconter que mes soirées alcoolisées et les névroses en découlant, les pannes d’inspiration étaient fréquentes. Alors, sans scrupules, j’adaptais des poèmes : « Elle a taillé sa peau dans un drap » est tiré d’un recueil de textes de Tim Burton paru en 1998, « La triste fin du petit enfant huître et autres histoires », facile à lire, facile à oublier. Tim n’avait pas encore plombé sa carrière à coups de films au mieux anecdotiques et trop souvent parasités par le très fatiguant Jack Sparrow. Ah oui, je ne suis pas cinéphile, mais alors pas du tout, et bien au contraire. La flemme d’expliquer pourquoi, il y a juste que je trouve que c’est un format artistique dont les ficelles sont trop grosses, ça me pique les yeux et l’esprit.

Il me semble avoir joué cette chanson lors d’un concert au Palais des Congrès de Perros-Guirec, en première partie de Herman Düne, le vendredi 6 juin 2000.

Ce matin-là, je m’étais réveillé la tête en vrac, confus parce qu’en revenant de Recouvrance j'avais perdu ma carte bleue. Avec mon ami David S., bassiste de son état, et après quelques semaines de répétition, nous avions en avance fêté le premier concert de Centredumonde. Avoir la gueule de bois un jour pareil, c’était une super bonne idée.

Et donc c'était nouveau pour moi de chanter en public et je me sentais dans un état second, comme si un autre squattait mon corps. Il y avait le championnat d’Europe de football, Perros-Guirec resplendissait de sa belle lumière granitique, les plages étaient couvertes de dindes en plus ou moins bon état, je portais un tee-shirt moulant sous ma veste en cuir noir, mes lunettes en plastique me bousillaient les pupilles, je m'en fichais: j'avais sacrément la trouille.

Le concert avait commencé tôt, derrière la scène le jour se laissait lentement glisser vers l’obscurité, face à une poignée de spectateurs tranquilles, entre chaque morceau, je me mets à raconter n’importe quoi et ça me détend, quand je chante ma voix tremble, mes mains s'engourdissent, plusieurs fois je manque de lâcher la guitare et de m'en aller, mais tout se déroule à merveille (selon mes critères, dont le principal est : en sortir vivant), ensuite il y a les bières de récompense, qui sont les meilleures bières du monde (les trois mecs d’Herman Düne ne picolent pas, ils étaient straight edge à l’époque), et puis cette foi, pas de Recouvrance pour me tendre des pièges dans lesquels fatalement je saute à pieds joints.