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Je veux travailler, ça emp​ê​che de penser

from No strass no stress by Centredumonde

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about

Février 1999, j’habite rue Hoche, à Brest, je suis étudiant fantôme (impossible de me souvenir dans quelle branche) et surveillant de nuit à Kerichen, très pratique, l’internat était à deux pas de mon appartement et, après des heures passées à lire sur un lit de camp dans un cagibi sans fenêtre tout en tendant l’oreille – hors de question que sous mon autorité des lycéens commettent des folies qui auraient ruiné leur bel avenir -, je rentrais chez moi au petit matin pour regarder les Télétubbies puis me recoucher, avec la satisfaction du devoir accompli.

Je venais d’avoir une jolie chronique dans le numéro 181 des Inrockuptibles, j’étais jeune et beau, j’avais des tas d’amis, de projets et de temps libre, la vie, telle une page blanche que je comptais bien griffonner jusque dans les marges, se présentait à moi sous un angle attrayant même si, au fond, je savais déjà que mon inconstance me guiderait vers un travail monotone, dans un bureau - néons, climatisation, mobilier standard - à effectuer des tâches anecdotiques, au milieu d’individus tous plus ternes les uns que les autres. Fatalement, c’est arrivé : j’ai résisté jusqu’à l’âge de trente ans et puis je me suis rangé.

Ma plus grande crainte était que le monde du travail me stérilise, fasse de moi un être prévisible, ne subsistant que par cynisme  : « Je roule sur les autoroutes de la pensée, j'achète le Goncourt, les clés de sol de Télérama, au cinéma, je ne vois que les films primés, je me suis abonné à l’Évènement du Jeudi, c'est mon côté iconoclaste anticonformiste rebelle cynique à deux balles, la dérision est mon arme et cette arme m'ennuie. »

On m’avait prêté une boite à rythmes hyper cheap et, entre deux séjours à Kerichen, j’ai enregistré une série de chansons folk, auxquelles j’intégrais parfois des motifs de reggae et de ska, par espièglerie, tant le genre faisait fureur en Bretagne. La rue Hoche étant passante, mes captations de chant et de guitares sont truffées de bruits de circulation, à tel point qu’à certaines heures il m’était impossible d’enregistrer, alors je me rabattais sur les affreux Télétubbies ou les émissions de télé-achat.

Grâce à ces chansons, nous avions été sélectionnés pour un tremplin du Printemps de Bourges, organisé à Saint-Brieuc, que nous avons bien entendu perdu face aux sempiternels groupes de ska et de reggae qui polluaient les scènes locales.

Nan, je ne suis pas frustré. Je travaille dans un bureau et la dérision est mon arme.

lyrics

Ce matin, il pleut au pays de Voltaire et de Rousseau.
Il fait encore nuit et je marche à grandes enjambées,
En retard comme d’habitude, manquerait plus que je me fasse virer.
J’ai pas assez dormi, ça m’apprendra à bouquiner,
Ce soir je me rattraperai, ce sera M6 et puis dodo.
Le bureau est déjà ouvert, une pile de dossier attend que je courbe l’échine,
Mais il paraît que c’est mieux que l’usine,
Et au moins il y a une machine à café.

Je vais bien

Les années passent, je m’y suis fait, j’ai appris à m’organiser,
Optimiser mon temps libre quand je ne suis pas sous cachets,
Je roule sur les autoroutes de la pensée,
J’achète le Goncourt, les clés de sol de Télérama,
Au cinéma, je ne vois que les films primés,
Je me suis abonné à l’Évènement du Jeudi,
C’est mon côté iconoclaste anticonformiste rebelle cynique à deux balles,
Le dérision est mon arme et cette arme m’ennuie

Je vais bien

Ce matin, la sentence est tombée comme un couperet,
Il s’avère que je suis viré, j’ai pourtant supplié mon supérieur
Qui me jette après toutes ces années de lèche-cul
Où je me suis cramponné à mon bureau,
Je suis trop vieux pour me recaser et mes rêves sont tous froissés,
Ça jette un froid, patron, de vous voir cloué à cette chaise,
Un chiffon dans la bouche, bon sang, l’odeur de l’essence envahit la pièce,
Mais ne vous inquiétez pas,

Je vais bien

credits

from No strass no stress, released October 1, 2021
Texte: Joseph Bertrand

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Depuis 1997, Centredumonde compose des chansons que personne n'écoute, et il ne s'arrêtera que le jour de sa mort!

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