Une chanson dont les paroles tiennent en une phrase, une seule phrase, bel exercice de style, non?

Aujourd'hui, c'est toi; tu seras, demain, quelqu'un d'autre, alors profite du bon temps qui t'es accordé pour ne rien faire, si tu le souhaites, ou sauver le monde, peu importe, on t'oubliera, et tu t'oublieras, et le bon temps aura disparu, ne laissant au sol que des paillettes traînant dans la saleté d'une orgie à laquelle tu n'étais pas invité, alors profite, profite du bon temps qui t'es accordé, il ne reviendra jamais - ce bon vieux temps est épuisé, autant que moi.

Une installation du plasticien – depuis déchu - Claude Lévêque, exposée en 2017 au sous-sol de la Maison Rouge, “Contes cruels de la jeunesse”, est à l’origine de ce court texte que j’ai écrit en quelques minutes, tandis que je cherchais à poser des mots sur une ritournelle composée, elle aussi, en quelques minutes, mais plus tard, en août 2018, alors que je me distrayais sur un synthétiseur vintage que venait d’acquérir Sébastien.

Nous étions en train de travailler sur l’album “Tigre, avec états d’âme” et, en attendant la mise en place de la prochaine session d’enregistrement, je me dégourdissais les doigts sur ce vieux clavier magique (qu’utilise entre autres le groupe Beach House), tentant d’évacuer l’appréhension que j’avais à l’idée d’un rendez-vous galant programmé une ou deux heures plus tard, au Centre Pompidou.

Et donc, en cette douce fin de journée d’été, à travers le Marais, j’ai marché jusqu’au Centre Pompidou, murmurant une mélodie en yaourt, protégé par l’idée heureuse que si le rendez-vous se passait mal j’avais, quoi qu’il arrive (ou n’arrive pas), une nouvelle chanson à explorer.

Le rendez-vous fut au-delà de mes espérances mais la chanson jamais ne sera terminée.

Manque d’envie, manque d’idées, manque de temps, je ne sais pas, nous étions happés par l’album à venir, il fallait faire des choix difficiles et, même si Sébastien et Will Son ont, de leur côté, travaillé dessus, le titre a été mis en sommeil.

Ce n’est qu’en novembre 2020 que je m’y suis à nouveau collé, et j’ai pris le parti de ne conserver que la partie de clavier initiale, un arpège et la ligne de chant: étant donné qu’il s’agissait de glisser le titre en cinquième position d’un EP numérique à la diffusion limitée, j’avais bien trop la flemme de creuser les arrangements que, pourtant, deux ans plutôt, alors que mes pas maitrisés me menaient vers Beaubourg, j’entendais résonner dans mon esprit émerveillé.

Je me souviens avoir joué “Le bon vieux temps ne reviendra jamais” – constat si simple qu’il en devient simplet – au Pop In, lors d’un concert acoustique en septembre 2018, devant une vingtaine d’amis, c’était une belle soirée: mon ami Garden With Lips avait ouvert les débats, Emmanuel Foricher a enregistré les morceaux et Matthieu Dufour a pris des tonnes de photographies, l’une d’entre elles servira par ailleurs de visuel pour la pochette de “Tigre, avec états d’âme”.

A la fin de la soirée, au lieu de faire la bringue, je suis rentré sagement chez moi, parce que le lendemain je devais m’occuper de mes enfants: hors de question d’avoir la gueule de bois. J'avais le sentiment du devoir accompli, tant pis pour l'ivresse, j'ai toute la vie devant moi pour être saoul.

Par contre, ce que je ne savais pas encore, c’est qu’il s’agissait du dernier concert de Centredumonde.