about
Première démo en novembre 2017: j'avais en tête un album du groupe américain Swell, "41", qui n'est pas parfait (certains morceaux sont carrément anecdotiques) mais dont la production - guitares folk à tous vents et batterie mate aux roulements inattendus - me plait beaucoup. Je voulais écrire une chanson tournant autour de deux accords arpégés, joués en boucle, sur un rythme binaire et minimaliste, qu'éclairerait une fugace transition en majeur, comme un rayon de lumière sur le visage d'un type congelé qui se dirait "Hey, en fait ça va pas si mal que ça", mais la seconde d'après le froid le saisit de nouveau et il se demande s'il a rêvé cette chaleur déjà disparue.
Presque quatre années - et dix-sept versions - plus tard, je dois admettre que j'ai échoué. Ce morceau déborde de partout, une fois encore j'ai suivi ma pente naturelle, qui consiste à accumuler les arrangements jusqu'à l'overdose. Je vis dans le silence mais il m'effraye, je connais mes limites et je les masque, je mets du Tabasco partout.
En ce sens, "Nous nous traversons en rêve" est un pur morceau centredumondien; monolithique, monomaniaque, monogame. Il n'a rien à voir avec la petite musique entendue un soir de novembre 2017, classic shit. Quand je termine une chanson, elle porte en elle le cadavre de sa version initiale, lentement conçue en esprit et que je suis incapable de matérialiser.
Il en va de même pour le texte, dont j'ai oublié la genèse. Je ne sais plus de quoi je voulais parler, mais j'y ai inclus des instants vécus (la chambre d'hôtel à Brest en 2018, après un concert donné au Vauban) et des possibles jamais échus (le sapin de Noël, quand je fais semblant d'être idiot pour cacher ma réelle idiotie). Connement, je cherche à analyser le glissement entre les deux moments, à fixer en mots la bascule d'un état à un autre, le réel et le sommeil, où tout est souvent plus exaltant à vivre, plus coloré, plus surprenant, aussi.
Je crois que mes nuits sont ma force: combien de matins je me suis réveillé en m'exaltant sur la qualité de mes rêves, c'est du putain de Technicolor en 35 mm, mon esprit me fait des cadeaux fabuleux, et aussi parfois il se fout bien de ma gueule, quand il convoque des fantômes et me fait perdre mes dents et mes cheveux ou arracher un bras par un tigre vicieux.
lyrics
La nuit je brûle et je tombe mais je n’apprends rien
Je me réveille au pied du sapin
Je fais le clown quand j’ai peur de tout gâcher
O quelle allure, les matins blêmes où tu agis comme si je n’étais pas là
Nous nous traversons en rêve
Tu as vu dans quel état on a laissé la chambre d’hôtel?
Du vin rouge sur les murs et les draps, n’en parlons pas
J’ai pris des coups et des corps, c’était pas donné
L’addition se paye en nuit blanches passées à gamberger, je voudrais savoir pour qui tu existes
Nous nous traversons en rêve
La lumière se découpe sur nos peaux apaisées
Le ciel voilé se retire sans un bruit
Sous mes pas la langueur d’une autre nuit sourde, il y a ton corps
Soupirant, perdu dans le temps, qui brûle et détruit, en cri
J’avance dans la ville étroite, les yeux fermés, je ne vois plus rien
Que toi, en chien, anesthésiée, par l’amour qui sera et ne sera jamais
Nous nous traversons en rêve
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