Chanson figurant sur le volume 53 des compilations ADA

Claire Redor et moi, c’est comme le chat de Schrödinger, être et tout à la fois ne pas être, c’est l’histoire d’une rencontre qui n’a jamais eu lieu et qui pourtant s’est nourrie d’échanges, aboutissant en novembre 2020 à la sortie du EP « The Sweet Kiss », enregistré durant une année chaotique au possible – pas touché un instrument durant le premier confinement (même si mon appartement est très bien insonorisé, je ne voulais pas me mettre mes pauvres voisins à dos), puis une fois l’été passé, rattrapage vigoureux, après la fin de ma collaboration avec l’Église de la Petite Folie, il me fallait continuer à exister, d’une manière ou une autre et c’est ainsi que de fil en aiguille Claire, qui traversait une période pas marrante, s’est proposée de poser sa voix merveilleuse sur une poignée de compositions en jachère : fiat lux, tout s’est mis à briller plus fort et, en dépit d’approximations techniques liées à mon inexpérience en matière de mixage dans Cubase (je commençais à peine à utiliser – après des décennies de défiance – les opportunités offertes par le MIDI), cet EP est un de mes préférés, j’ai pris un plaisir dingue à passer et repasser les pistes de chant que m’envoyait ma muse nantaise à la si riche personnalité.

A mon sens, « Quelque chose (ou quelqu’un) à aimer », au-delà de sa trame contemporaine (rythmique électronique, motifs synthétiques et texte en forme d’aveu défaitiste), porte en elle une putain de mélancolie dansante. Il est évident que les gens ne sauraient vivre sans aimer quelqu’un ou quelque chose, sinon tout sonne creux : ça me fait penser à cette nouvelle de Carson McCullers dans laquelle un type s’entraîne à aimer le monde, en commençant par un caillou, pour terminer par le ciel et le soleil. L’amour, peut-être que c’est inné, peut-être pas, en tous cas ça se bosse, le cœur est un muscle, après tout, on peut faire de la gonflette, comme dans une salle de sport, et s’extasier de tout et de tous, mais on peut aussi agir en profondeur et s’interroger sur les raisons pour lesquelles on aime ceci ou cela et pas le reste, quitte à aimer peu mais mieux.

Claire sort bientôt un album, sur lequel elle travaille depuis pas mal de temps, et si jamais elle venait à donner des concerts sur Paris, nul doute qu’enfin nous nous rencontrerions, et je suis certain que nous serions timides – la seule fois où nous sommes croisés, c’était en 2015 dans les loges du Vauban à Brest, elle accompagnait Vérone et moi je fêtais la sortie de la compilation « Bang ! », j’étais complètement déphasé après des années sans scène ni public, je ne savais plus où donner de la tête, quand bien même en sociabilité je peine. Aujourd’hui, j’assume plus facilement la distance que je mets entre le monde et moi, je me dis que nous sommes huit milliards d’individus sur terre, donc si je vis en retrait, uniquement à travers mes mots et ma petite musique, ça ne brusquera personne. Et puis dans ma poche, au cas où, il y toujours un caillou.