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« Sur la robe elle a un corps ». Je me souviens d’une pâmoison à la bibliothèque de Conflans-Sainte-Honorine, où j’ai vécu quelques années dans les 2000s. Un rayon entier était consacré à Blaise Cendrars et, sachant que nous avons affaire à un auteur multiple – institutionnel (on fait lire « L’or » aux adolescents français pour les prémunir des dangers de l’ambition) (ça fonctionne), aventureux (« Moravagine » est si sauvage) et grand public (les aventures de Dan Yack) – il est difficile de le classer : talentueux touche à tout, gourmand, empathique, vivifiant, jamais complaisant ; ce que j’aime, chez Cendrars, c’est son absence de cynisme, de posture et même de génie.
Cendrars est bel et bien un auteur de seconde division, on ne le porte pas au pinacle, mais moi, je l’aime fort ; ses imbuvables 150 pages sur Gênes, sa main perdue, la tombe aux Batignolles, sa modernité, Frédéric Louis Sauser, Freddy Sausey, Jack Lee, peu importent les noms qu’il se donne, je comprends son appétit, moi aussi je suis plusieurs, as complicated ass possible, Joseph Bertrand alias Centredumonde alias le type qui se perd en route sans faire un pas en avant sur les chemins qui s’offrent à lui.
Rien à voir mais, quelques jours plus tard, dans le théâtre jouxtant la bibliothèque, j’assistais à une lecture de poèmes d’Apollinaire, donnée – gorge nouée - par Jean-Louis Trintignant, dont la fille Marie venait de perdre la vie, et si, déjà, par réflexe culturel, je détestais Noir Désir (le rock agricole et les rebelles en toc), mon parti était pris ; de cette douleur digne ne saurait surgir aucun pardon. Bertrand, fais-toi discret, touche ta SACEM et branle-toi dans ton jacuzzi.
Mes textes ne parlent que de moi, quand je ne vis rien, je n’écris rien, alors, sans vergogne, je vole les autres.
Qui me volent à leur tour.
(Nan, je rigole.)
En juillet 2000, je suis à Brest, un peu sec niveau textes, alors j’adapte un poème de Cendrars datant de 1914, « Sur la robe elle a un corps ». C’est très facile puisque les mots portent en eux leur propre densité, écriture moderne, jazzy, entre allitérations et syllabes silencieuses, pour le coup je mobilise mon fidèle 4 pistes cassette et une boîte à rythmes super cheap, je me laisse porter, zéro calcul, le phrasé est hasardeux, je chante faux, on s’en fiche, je crois que sur la fin du morceau j’accumule jusqu’à vingt pistes de guitare (et bien entendu ça ne s’entend pas), la fin s’étire, je ne sais plus où je vais et…
…. « Tout ce qui fuit, saille avance dans la profondeur
Les étoiles creusent le ciel »
lyrics
Le corps de la femme est aussi bosselé que mon crâne
Glorieuse, si tu t’incarnes avec esprit, les couturiers font un sot métier
Mes yeux sont des kilos qui pèsent la sensualité des femmes
Tout ce qui fuit, saille, avance, dans la profondeur les étoiles creusent le ciel
Les couleurs déshabillent
Sur la robe elle a un corps
Les cris perpendiculaires des couleurs tombent sur les cuisses
Son ventre est un disque qui bouge, son ventre est un disque qui bouge
Les couleurs déshabillent
Sur la robe elle a un corps
Et quand elle dort, les couleurs tombent sur son corps
Et quand elle bouge, les couleurs tombent de son corps
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from
No strass no stress,
released October 1, 2021
Texte: adaptation de "Sur la robe elle a un corps", poème de Blaise Cendrars
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